Étape 2
Vendredi 1er juillet
Col del Pal – Le Perthus / D+ 670m / D- 1270m / 9h
Lever du soleil sur trois randonneurs au-dessus des côtes française et espagnole.
Au loin, l’antenne du pic Neulos nous indique la direction à prendre. Les troupeaux, sur notre route, ne ressemblent en rien aux bêtes efflanquées croisées en 2006 et 2010. De belles vaches qui s’éclatent dans des estives bien vertes !
Passage à la source de la Maçana pour faire le plein d’eau, au refuge non gardé de Tanyarède et c’est le rampaillon qui part à l’assaut du pic Neulos. Le GR 10 nous amène au Perthus, cette épicerie « duty free » à ciel ouvert, via le roc dels Tres Termes et une descente pas très engageante entre genêts et ajoncs.
Mes chaussures me font mal… j’ai les pieds qui « tapent » et la plante des pieds en feu. J’informe Christian et Martine de mon intention de changer de chaussures à Amélie les Bains et, si nécessaire, de prendre le bus pour descendre jusqu’à Perpignan. C’est clair, je ne peux pas continuer comme ça.
Pas de camping et plus d’hôtels au Perthus ! Nous prenons une chambre d’hôtes chez Grand’Mère, un bar-resto de notre connaissance. Mais Grand Mère n'est plus... Une jeune et charmante nouvelle propriétaire nous accueille fébrilement toute agitée qu'elle est par l'inauguration de l'établissement qui a lieu demain. Mais demain… nous serons loin.
Étape 3
Samedi 2 juillet
Le Perthus – Las salinas / D+ 1130m / D- 350m / 8h 15
Bonne surprise au départ de Banyuls. Le tracé du GR 10 a été modifié et évite la route qui monte au fort de Bellegarde. Il délaisse également une bonne partie de la piste passant par le mas Bardes en empruntant un sympathique sentier se faufilant entre chênes verts et chênes-lièges sur le versant espagnol.
Nous retrouvons l’interminable piste au niveau du col del Priorat… À la sortie du Mas Nou, le GR 10 part à droite, à angle droit. Un autre changement de tracé ? Effectivement, à cause de propriétaires considérant que les randonneurs n’ont rien à faire sur LEUR terrain, le tracé a été modifié. Seulement, là, rien à voir avec Le Perthus ! Le nouveau tracé continue sur une piste qui n’en finit pas pour aboutir sur une route qu’il faut remonter pour joindre Las Illas ! 2 km de goudron !
J’en profite pour enlever mes chaussures et enfiler mes savates. Mes pieds sont toujours « à l’étroit » dans mes pompes. Des chaussures achetées au « Vieux Campeur », essayées et testées sur les chemins de Castelnau. Comment me suis-je débrouillé pour faire l’acquisition de godasses trop petites ? Mystère… Depuis plus de trente ans que je parcours les Pyrénées, j’en ai usé des chaussures et c’est bien la première fois qu’une telle mésaventure m’arrive. Mes pieds hurlent dès la mi-journée, l’heure à laquelle ils commencent à gonfler et à manquer de place. À tel point que je ne peux plus marcher…
Alors quand je peux, je chausse mes savates pour le plus grand soulagement de mon « 46 fillette » !.
Les « Trabucayres », brigands armés de tromblons (trabuc en Catalan), sévissaient en Espagne au XIXème siècle et trouvaient refuge à Las Illas. Ni tromblon, ni contrebande pour ce qui nous concerne, juste un arrêt « sandwich » à l’auberge des dits « Trabucayres » pour gagner l’ermitage de Las Salinas.
Au col de Lli, une pensée aux Républicains espagnols de la « Retirada » fuyant Franco en 1939. Une stèle leur rend hommage. Nous suivons toujours la crête frontière et basculons sur le versant espagnol jusqu’aux fontaines de l’ermitage de Las Salinas. La brume nous entoure, un vent frisquet nous incite à prendre le repas du soir dans l’ancien abri aménagé.
Étape 4
Dimanche 3 juillet
Las Salinas – Amélie les Bains / D+ 420m / D- 1290m / 9h
Beau temps ce matin. Le roc de la Frausa, que d’obscures franchouillards ont rebaptisé « roc de France », offre un panorama grandiose sur la baie de Rosas.
De ce point de vue nous plongeons versant français sur Amélie les Bains (250 m) en évitant soigneusement l’itinéraire passant par le mas Can Felix dont le propriétaire en a rigoureusement interdit le passage (ça continue!)… C’est donc le GR 10 qui mène nos pas à Montalba.
La jonction Montalba/Amélie n’est pas évidente et, une fois de plus, nous marchons sur le goudron (en savates pour ce qui me concerne, au grand soulagement de mes pieds !).
Ce soir, resto pour fêter le départ de Martine que nous accompagnerons demain à la gare de Perpignan, changement de chaussures oblige…
Perpignan
Lundi 4 juillet
Perpignan
Descente en bus à Perpignan pour accompagner Martine à la gare du Centre du Monde et acheter de nouvelles chaussures.
Des randonneurs croisés sur la route nous ont indiqué un magasin d’articles de montagne en plein centre ville : « La Montagne », 2 rue de la république.
Magasin tenu par monsieur Rolland, un commerçant comme il n’en existe plus guère, patient et de bon conseil. Je sors de chez lui avec le moral en très forte hausse !
Étape 5
Mardi 5 juillet
Amélie les Bains – Refuge forestier de l’Estanyol / D+ 1620m / D- 330m / 9h 30
Après avoir ravitaillé à Amélie, il est temps d’attaquer les premiers pics à plus de 2000 m après le col de la Cirère, au-dessus du gîte de Batère (1470 m).
Et c’est d’un bon pied (voire deux !) que nous prenons le chemin de Montbolo. Un sentier balisé rouge/jaune permet d’éviter la piste jusqu’au col de la Reducta. Mais, de la piste, il y en aura ! D’autant que ne sachant pas encore si nous filons sur les crêtes de la Serra del Roc Nègre, nous optons pour un passage au gîte de Batère pour nous approvisionner en eau… Donc, du rabe de piste en perspective !
Les gardiens du gîte nous déconseillent fortement le passage par les crêtes à cause d’une météo très instable génératrice d’orages. Nous traversons les vestiges des anciennes mines de fer du massif (la mine de Batère a fermé en 1987) dont le minerai a servi à forger les grilles du château de Versailles et grimpons au col de la Cirère en délaissant l’itinéraire prévu pour continuer sur le GR 10 jusqu’au refuge forestier de l’Estanyol.
Nous faisons connaissance de Robert, le vacher qui occupe une partie du refuge. Robert, homme fort sympathique au demeurant, aime parler. Il nous raconte sa vie en long, en large et en travers ! Je retiens juste qu’à 44 ans Robert a changé radicalement son style de vie pour se retrouver en pleine montagne à s’occuper de troupeaux de vaches. L’an prochain il aura 70 ans et arrêtera son activité pour partir à la découverte des Pays Baltes en caravane pliante en compagnie de son fidèle chien « Citron ». Bon vent à toi Robert. Tu mérites largement de profiter de la vie au regard de ton passé pour le moins « chaotique ».
Étape 6
Mercredi 6 juillet
L’Estanyol – Les Gourgs de Cady / D+ 1260m / D- 320m / 8h 30
L’itinéraire « normal GR 10 » emprunte une longue, trop longue, courbe de niveau (1600 m) pour atteindre le Canigou (2784 m) via le refuge des Cortalets au détriment de la Serra del Roc Nègre qui mérite pourtant d’être parcourue.
Ce matin le ciel est clair et Robert nous a indiqué un itinéraire qui aboutit directement à la porteille de Valmanya, juste sous le Canigou. Nous mettons quelque temps à trouver le départ du sentier et finissons par repérer les marques bleues qui jalonnent le parcours jusqu’à la porteille de Valmanya. Raccourci, certes, mais raccourci qui se mérite ! Ça grimpe sec ! C'est lors de cette ascension que nous voyons nos premiers isards et premières marmottes.
À la porteille, vue imprenable sur le Canigou et sur les Gourgs de Cady (2430m) où nous voulons installer notre bivouac. Tentes plantées, la porteille des Tres Vents, 300m au-dessus de nos têtes, nous ouvrira demain matin la porte du pla Guilhem.
Mais quelle est donc cette tache rouge qui descend dans la rocaille en provenance de la porteille ? Une jupe ! Une jupe rouge qui se rapproche de nous, une jupe portée par Shirley une dame Néo-Zélandaise qui compte passer la nuit à la cabane Arago quelques 300m plus bas. Et Shirley n’a pas fini de nous étonner en sortant un papier sur lequel elle a dessiné à main levée son itinéraire !
Elle profite d’ailleurs de ma carte au 25 000ème pour se mettre à jour ! Incroyable ! Elle nous confie qu’elle arpente les montagnes néo-zélandaises toute l’année à la recherche d’une espèce d’oiseau en voie de disparition. L’orientation… elle maîtrise ! Nous ne sommes pas au bout de nos surprises puisqu’elle voyage sans tente, sans matelas, dormant dans des cabanes, dans des abris sous roche ou à la belle étoile. Une MUL de chez MUL !
Étape 7
Jeudi 7 juillet
Les Gourgs de Cady – Abri Porteille de Rotja / D+ 640m / D- 710 / 9h
La porteille des Tres Vents nous tend les bras en ce matin lumineux. Une formalité pour arriver au pic Roja (2724m) et au pic des 7 Hommes (2651m). Nous levons une harde d’isards sur le plateau.
Parcourir à nouveau le vaste plateau du Pla Guilhem (2200 m), longer les crêtes des Esquerdes de Rotja hérissées de roches au quartz d’un blanc éclatant, flâner sur le Pla de Coma Armada (2400 m) hérissé de « pierres levées »… que du bonheur ! En principe ! Car aujourd’hui, c’est pas le jour… le quartz n’a rien d’éclatant dans la brume qui tombe. Par contre, ce qui éclate, c’est l’orage !
Tout d’abord lointains, les roulements caractéristiques du tonnerre deviennent plus présents et plus secs… Nous sommes à 1h de la cabane de la porteille de Rotja. La pluie et la grêle se mettent à tomber. Nous arrivons à l’abri trempés…
L’abri est sommaire mais nous protège tout de même des intempéries. Surtout, prendre garde à bien laisser hors sol sacs et affaires : l’eau s’infiltre sous les murs et se répand sur le sol de l’abri ! Curieusement il y a du réseau. Nous en profitons pour passer coups de fil et SMS. Il fait froid. Soupe chaude et au lit à 19h 30 !
20h 30. La porte s’ouvre et apparaît un grand et jeune gaillard répondant au nom de Simon. Malgré sa veste de pluie, Simon est trempé. Son sac et les affaires qu’il contient itou. Protection de pluie insuffisante… Simon ne pense qu’à une chose, se glisser dans son sac de couchage tout mouillé ! Il s’inquiète des « petites bêtes » que pourraient héberger les couvertures de la cabane…
Étape 8
Vendredi 8 juillet
Abri Porteille de Rotja – Refuge Ull de Ter / D+ 300m / D- 440m / 3h 30
Au diable les « petites bêtes » ! Simon s’est enroulé dans 3 ou 4 couvertures pendant la nuit pour se réchauffer !
Il a plu une bonne partie de la nuit et, à 8h ce matin, il pleut encore.
Simon part avant nous. Nous ne le reverrons pas. Nous attendons 9h et une accalmie pour partir. À la portella del Callau s’ouvre le vaste pla de Coma Armada. À la porteille de Morens nous décidons de passer par le refuge d’Ull de Ter, les conditions météo n’étant pas très favorables à une escapade par les crêtes via le pic de la Dona et le pic du Géant. Au refuge, le gardien nous confirme une journée instable. Alors nous optons pour une journée « repos » au refuge et commençons par un vrai repas !
Demain la météo semble favorable et, après avoir étudié le parcours à venir, il nous faudra en profiter un max pour parcourir la crête frontière que nous sommes amenés à suivre pratiquement jusqu’à Puigcerda.
Belle rencontre avec une famille espagnole qui passe sa journée au refuge. Un couple avec trois enfants (10, 8 et 5 ans !). Ils parcourent le GR 11 depuis une semaine et terminent leur périple demain à Nuria. Ils parlent français et nous devisons sur… la montagne pardi !
Étape 9
Samedi 9 juillet
Refuge Ull de Ter – Puigmal d’Err / D+ 1550m / D- 1160m / 10h 30
Ciel clair, météo au top, on devrait pouvoir cheminer sur les crêtes sans problème où plusieurs pics à 2600, 2700 voire 2900m nous attendent.
Col de la Vaca, un coup d’œil aux étangs de la Carança en contre-bas et nous suivons la crête frontière en passant au col de Nou Creous où, dit-on, les neuf croix ont été plantées en mémoire d’un groupe de neuf personnes foudroyées sur la crête… Brrrr… Une autre version, plus soft, parle simplement de croix plantées par des pèlerins se rendant au sanctuaire de Nuria.
Nous y faisons la connaissance d’un couple de Bayonne qui photographie les bornes frontière depuis 3 ans. Il leur en reste deux à trouver dans cette partie des Pyrénées (la 509 et la 510) et 4 autres dans le Val d’Aran.
Au pic de Nou Fonts nous rencontrons Yves un jeune HRPiste parti de l’hospice de Vielha (il a fait Hendaye/l’hospice en 2014).
Au col de Nuria nous ignorons la descente dans la vallée d’Eyne et filons plein Ouest sur la crête frontière. Et c’est l’enchaînement des pics : pic de Nuria (2794m), pic de Finestrelles (2828m), puigmal de Segre (2843m), petit puigmal de Segre (2809m), puigmal d’Err (2910m). Cet itinéraire permet une vue fantastique sur la Cerdagne française , sur le Carlit et les pics au Nord de la vallée de la Têt.
Nous bivouaquons à l’Ouest du puigmal d’Err, au milieu des mouflons et des isards. Malheureusement, une fois de plus, la brume nous cache le soleil.